Trouver son style… Ou le laisser venir
J’imagine que, tout comme moi, vous avez déjà écouté des podcasts ou regardé des vidéos sur YouTube vous incitant à trouver votre style photographique pour devenir un photographe reconnu. Autrement dit : adopter un type d’image — composition, lumière, sujet — et une approche de développement qui permettra au spectateur d’identifier vos photos au premier coup d’œil.
Je ne pense pas que ce soit un bon conseil. Ni même une priorité, en réalité.
Avant d’être reconnu, il faut déjà être connu. Et vouloir l’être n’est pas forcément une fin en soi. Mais si c’est votre objectif, il faudra forcément sortir du lot. Copier d’autres photographes ne fera que vous noyer dans la masse : il faut donc trouver votre propre voie. La création passe par des essais, des échecs et des réussites. J’ai déjà parlé ici de la valeur de l’échec : c’est d’abord faire une image qui ne vous plaît pas. Une photo banale ou ratée vous pousse à vous poser cette question essentielle : Qu’est-ce qui me plaît vraiment ?
La première réponse est souvent la mauvaise. Pour moi, c’était la photographie animalière. Puis, à force d’attendre les animaux avant le lever du soleil, j’ai commencé à photographier les levers de soleil eux-mêmes. Peu à peu, j’ai délaissé les animaux pour me consacrer au paysage. Je pensais avoir trouvé mon style. Ce n’était pas tout à fait exact.
Me voici donc à photographier les levers de soleil, à la recherche de ciels nuageux et colorés et à suivre la tendance internet, en développant dans Lightroom pour être vu : saturation poussée à droite, contraste au maximum… Ce n’était pas du tout mon style. Toutes ces images ont fini supprimées ou retravaillées.
Aujourd’hui, mon développement est sans doute l’élément le plus constant dans mes photos : des ajustements légers et locaux pour séparer ombres et lumières, contraster les couleurs sans jamais les saturer ni les désaturer — bref, se rapprocher de la réalité. Oui, je me permets parfois de supprimer un élément gênant, mais jamais je n’ajoute ce qui n’existe pas.
Voilà sans doute une première constante, le début d’un style.
Après avoir photographié les levers et couchers de soleil de ma région, j’ai fini par trouver cette répétition ennuyeuse. J’ai donc commencé à sortir à toute heure, sous toutes les conditions météorologiques. Et j’ai aimé ça.
J’ai redécouvert des lieux familiers sous un jour totalement différent. Fini les seules heures bleues et dorées : place aux lumières tamisées, aux couleurs froides ou chaudes. Mon catalogue s’est enrichi d’images très diverses, au point qu’il devenait difficile d’y déceler un style. Puis, au détour de l’hiver, j’y ai ajouté des photos macro — jusque-là réservées aux fleurs du printemps ou de l’été.
Où certains voyaient du chaos, j’y voyais une cohérence. Dans le développement, bien sûr, mais aussi dans le sujet : je suis un photographe de nature. Longtemps, j’ai cru appartenir à une catégorie isolée, avant de découvrir d’autres photographes de nature — parfois bien plus reconnus que moi. J’ai commencé à visiter leurs sites, à les suivre sur les réseaux sociaux, à rejoindre des communautés. Et peu à peu, j’ai appris à reconnaître un photographe rien qu’à son image. On peut donc être photographe de nature et avoir un style. Mais lequel ?
Souvent, cela tient au développement : des couleurs douces, chaudes, un contraste renforcé par la technique du dodge and burn (éclaircissement et assombrissement). Pourtant, certains adoptent des approches très différentes dans chacun de leur développement, et leurs images restent immédiatement identifiables.
Si ce n’est ni le type de photographie, ni le développement, ni le sujet… alors qu’est-ce que c’est ? En observant les portfolios d’autres photographes, j’ai remarqué une répétition subtile : la présence d’une couleur particulière, d’un type de lumière, ou d’un motif récurrent. Toujours cet élément discret, presque invisible, qui revient dans toutes leurs images.
Je me suis alors demandé si j’avais, moi aussi, un totem.
En regardant mes photos préférées, j’ai trouvé un point commun : l’eau.
Une rivière, un étang, la mer, le brouillard, la pluie, le givre, la glace…
L’eau, sous toutes ses formes, est presque toujours là. Voilà sans doute mon style : une photographie de nature, où l’eau est présente, développée de la manière la plus naturelle possible.
Je suis probablement le seul à le reconnaître — vous aussi, peut-être, après avoir lu ces lignes — mais je ne suis pas « reconnu ». Contrairement à ce que j’ai souvent entendu, je n’ai pas créé mon style : c’est lui qui m’a trouvé. Le style ne doit pas être un objectif, mais le résultat d’une envie sincère de créer des images qui nous plaisent.
Il n’est pas le moteur de la reconnaissance, mais le vecteur du plaisir de photographier… et de partager ce plaisir à travers nos images.