Journée de la terre

Tout au long de l’année, notre calendrier est marqué par des journées consacrées à célébrer ou reconnaitre une cause. J’ai toujours eu un sentiment partagé sur les réelles motivations et bénéfices de ces journées. Sensibiliser sur une cause pendant une journée alors que pour les 364 ou 365 autres journées de l’année nous allons oublier: qu’elle est l’intérêt? C’est ainsi que le 22 avril dernier nous avons célébré la journée de la Terre. En tant que photographe de nature, bien sur que c’est une cause qui me tient à coeur, mais pas seulement une fois par an, mais tous les jours de l’année.

Je ne vais pas vous mentir, je suis loin d’être parfait lorsqu’il s’agit d’impact environnemental. Je suis très loin de l’empreinte carbone neutre, notamment par mon activité professionnelle. Mais mes activités extra-professionnelles me permettent de multiples contacts avec la nature et il y a une chose que j’ai appris, la nature est bien plus forte que nous. Lors de mes sorties photos, j’ai vu la végétation recoloniser des constructions humaines, des zones humides reprendre leur place et des animaux repeuplés des espaces naturels: parfois sous l’impulsion humaine, parfois naturellement. J’ai récemment écouté un podcast très révélateur sur le sujet. La Terre a environ 4,6 milliards d’année. Si nous ramenons cela à 46 ans, les premières mousses ont apparu quand la Terre avait 42 ans, les dinosaures ont disparu, elle avait 45 ans. Le weekend dernier, la dernière ère de glaciation s’est terminé et la révolution industrielle a commencé il y a une minute. C’est dingue de penser tout ce que nous avons bouleversé en une minute. L’homme est impatient de prendre sa place sur Terre, quand la Terre a tout son temps.

Revenons-en à la photographie de nature. Ma philosophie est celle des trois P.

P comme protéger. Je préfère ne pas prendre une image plutôt que de perturber un espace naturel. Si je dois couper une branche, je préfère le faire dans mon logiciel de traitement plutôt que sur le terrain. Si je dois piétiner d’autres fleurs pour prendre une image, alors j’abandonne. Il m’arrive souvent lors d’une sortie photo en forêt de revenir avec un sac de déchet, en grande partie plastique et emballage que je recycle dans ma poubelle. Malheureusement, en photographiant en bord de mer que ce soit sur les côtés de la Manche ou de l’Océan Atlantique, j’ai abandonné: il me faudrait un camion pour ramener tout ce que je peux croiser sur 1 km de côte. Néanmoins je suis convaincu que chaque petit geste pour protéger la nature fait la différence sur le long terme et sur la répétition.

P comme photographier. Les styles sont parfois différents. Certains photographe vont s’attacher à montrer l’impact humain sur la nature. Antoine Repessé est connu pour mettre en scène une année de déchet pour illustrer la quantité incroyable que nous produisons. Chris Packham a photographié l’interaction entre les animaux et nos déchets. Dans les deux cas des images saisissantes pour nous inciter à réfléchir sur notre impact environnemental. J’ai préféré prendre une ligne plus contemplative. S’émerveiller plutôt que de faire peur. En photographiant les mêmes endroits sous différentes lumières et saisons, je cherche aussi à montrer comment la nature est vivante, s’adapte mais aussi combien elle est fragile. Dans nos vies où tout doit se faire rapidement, l’impact négatif que nous pouvons avoir sur la nature est principalement parce que nous ne prenons pas le temps de s’arrêter pour regarder autour de nous. Alors si mes images peuvent pour quelques secondes offrir un temps de pause pour apprécier la nature, le pari est gagné.

P comme partager J’aurai pu choisir P comme protéger et garder secret les endroits que je photographie. Au contraire, j’ai choisi de partager. Il est courant pour certains photographes de ne pas partager les endroits où il photographie. Je comprend et respecte cette approche.

Vous avez probablement entendu cette histoire de cette ville au Japon prés du Mont-Fuji, qui a du déployé un filet pour éviter que tous les Instagrammeurs du monde se rassemblent et dégradent l’endroit, uniquement pour prendre la même image de ce plus haut sommet du Japon. L’effet du tourisme de masse, associé à la folie des réseaux sociaux met en péril certains endroits, c’est indéniable. Mais je pense qu’au contraire, en partageant les endroits où je fais mes photos je pourrais inciter les gens à se détourner des chemins classiques pour visiter d’autres endroits. Plus de 80% de mes photos ont été prises dans trois endroits de France, où je suis né, la Normandie, où j’habite, les Yvelines et où j’aime me ressourcer, l’Ile d’Oléron. Peut-être qu’en photographiant Dieppe, j’incite les gens à oublier Etretat ou Honfleur un instant et détourner une partie du flux touristiques. Peut-être une approche un peu naïve, mais j’y crois.

Vous l’aurez compris, ma philosophie est plus pour une année de la Terre qu’une journée: émerveiller et responsabiliser plutôt que d’effrayer et punir. Mais toutes les approches sont bonnes pour au final un seul but: protéger notre maison, la Terre.

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